Le Burkina Faso compte 20 millions d’habitants, dont plus de la moitié vit de l’agriculture.
Leila Gariko, productrice et transformatrice de lait depuis une dizaine d’années, possède une fromagerie au sein de laquelle elle produit yahourt, fromage, gapal (petit mil que l’on mélange au yahourt) et le dègué (dessert à base de lait caillé et de semoule de mil).
Il y a quelques semaines, elle s’est rendue en France pour suivre une formation au sein du CFPPA d’Aurillac (Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricoles) et rencontrer des éleveurs laitiers en Normandie.
« La formation au CFPPA a été très utile, j’ai apprécié le fait que les techniques de transformation que l’on nous a transmises étaient adaptées à nos contextes, et réplicables. Nous pensions à tort que nous devions avoir recours à un équipement lourd pour reproduire ces techniques de transformation. Bien sûr, il y a certaines choses que l’on ne peut pas produire. Mais j’ai vu des similitudes dans les difficultés rencontrées par les producteurs en France, et le changement climatique est visible partout. »
Au Burkina Faso, les périodes de sécheresse s’allongent, aggravées par le changement climatique
Ces périodes de sécheresse de plus en plus longues posent des difficultés pour nourrir le bétail, tout au long de l’année. En saison sèche, alors qu’il n’y a que très peu de lait produit, la demande en consommation est très forte. « Nous constatons depuis longtemps les effets du changement climatique. Dans la culture peul, les animaux sont nomades, mais on est obligés de se sédentariser petit à petit, car il n’y a plus assez de pâturages. Le fourrage ne pousse plus, l’herbe n’est plus aussi abondante qu’avant ». L’une des réponses pourrait également venir du développement des cultures fourragères rustiques, plus résistantes à la chaleur et au manque d’eau, et qui jouent par ailleurs un rôle positif dans la préservation des milieux naturels.
Et, c’est l’inverse pour la période hivernale, la demande est en baisse alors que la capacité de production est en hausse. Beaucoup de producteurs de lait se voient contraints de jeter leur stock, faute de possibilité de conservation. Il faudrait pouvoir valoriser le surplus en période d’hivernage en transformant le lait avec de nouvelles méthodes, et c’est ce qu’expérimente Leila Gariko, en développant de nouveaux produits transformés.
Renforcer les plaidoyers pour promouvoir le lait local
L’autre facteur qui fragilise structurellement les producteurs sont les prix du lait en poudre importé par le Burkina Faso. De nombreux ménages, dont la plupart dispose d’un faible revenu, privilégient le lait en poudre, peu cher, face au lait produit localement. « La population n’est pas suffisamment informée de la qualité nutritionnelle du lait local et ne sait pas que le lait en poudre, même s’il est plus abordable, est moins riche en nutriments ». Ce système d’importation est soutenu par les grandes surfaces et les commerces, qui commercialisent peu de lait local, dont la qualité de conditionnement n’est souvent pas suffisante pour répondre aux normes demandées par ces circuits de distribution.
Pour élargir sa clientèle, Leila Gariko s’est rapproché des entreprises publiques, afin d’instaurer une « pause-lait » à la place de la « pause-café ». Cela lui permet de vendre une prestation, qui « met en valeur la production laitière locale, et cela permet au grand public de saisir la différence avec le lait en poudre ».
Au sein de son organisation paysanne (UMPL-B) aussi, on travaille à la promotion du lait local et au renforcement de capacités des producteurs.
« Avec l’UMPL-B nous avons engagé des discussions avec le gouvernement pour négocier des subventions pour soutenir le lait local. Mais avec l’instabilité sécuritaire, les discussions se sont stoppées ».
S’appuyer sur les marchés institutionnels pour dynamiser les productions locales
Des négociations avaient été entamées avec le précédent gouvernement, et avaient par exemple permis la distribution de lait local dans les cantines scolaires. « Tant que nous n’aurons pas retrouvé une stabilité politique, il sera difficile de faire évoluer les choses pour promouvoir le lait local à plus grande échelle. »
L’UMPL-B a également mis en place des campagnes de communication et des ateliers de découverte pour promouvoir le lait local. A l’image des 72H du lait local, mises en place depuis 2015, cadre de promotion du lait local et de plaidoyer pour des politiques favorables aux acteurs de la filière lait au Burkina.
Mais il demeure difficile de toucher les ménages à très faibles revenus, qui n’ont pas les moyens de consommer le lait local. « Nous allons essayer de poursuivre les négociations pour subventionner ce lait, ce qui permettrait à ces populations de pouvoir l’acheter ».
Par ailleurs, un problème de taille subsiste. La production de lait local au Burkina Faso reste faible, avec une centaine de mini-laiteries réparties sur le territoire, alimentées par environ 4 000 producteurs. Un producteur récolte en moyenne 1 à 3 litres de lait par jour, ce qui ne permet pas de couvrir les besoins de la population.